La Tunisie tourne le dos au socialisme
Michel Stemer et Patrick Polge
« La Croix » 26 janvier 1972
Pari sur l’avenir, le programme de M. Nouira tente de sortir l’économie tunisienne de l’impasse. La décennie prochaine veut être l’ère du « décollage », même si d’aucuns s’étonnent que l’on cherche à réaliser le socialisme destourien par une politique dite « néo-libérale ».
Les structures mises en place par M. Ben Salah se sont assouplies : si le quart des terres est restitué aux exploitants, le reste est géré ou simplement contrôlé par les organismes publics et quasi tous les groupements autoritaires ont été dissous.
Le secteur coopératif est en déclin, surisse : les dirigeants tunisiens cherchent à établir la confiance et à susciter l’initiative individuelle. S’appuyant sur les classes moyennes, la fonction sociale de la propriété privée est reconnue.
Un SMIG a été institué le 1er mai 1971, fixé à 21 dinars. Il reste difficilement applicable et les salaires journaliers et horaires sont encore très bas, surtout dans l’agriculture. Un ouvrier y gagne 600 millimes par jour sans toutefois travailler tous les jours. Au cours d’une émission de télévision, une jeune ouvrière interviewée déclare : « Je gagne 8 dinars par mois. Je n’ai rien à attendre de la vie ». Les efforts du gouvernement n’ont pas encore atteint le but escompté.
Les finances tunisiennes doivent supporter un déficit commercial structurel.
Le déficit alimentaire s’élève à 7 millions de dinars chaque année et l’aide céréalière depuis dix ans équivaut au dixième de la récolte globale.
« La France avait des bases militaires en Tunisie, maintenant elle aura des bases industrielles », confiait l’actuel ministre du Plan, M. Mansour Moalla.
Le « pari » de M. Hédi Nouira engage l’Etat : la rigueur financière et une stricte gestion doivent permettre à la Tunisie de se dégager d’une économie « administrative ». Le premier ministre s’est attaqué à « la sinistrose et à la morosité ». Cherchant un décollage réel, le gouvernement se préoccupe avant tout se juge d’abord sur ses préoccupe avant tout du développement : « Toute politique se juge d’abord sur ses résultats », dit-il.
Terrain d’accueil pour l’aide publique et l’initiative privée étrangère, qui se sort d’une profonde dépression économique, la Tunisie doit compter avant tout sur elle-même. Ce résultat positif révèle, à court terme, le bien-fondé de la politique du premier ministre tunisien à la veille de l’élaboration du nouveau Plan.